I'm not the girl who misses much
Pipilotti Rist
" I'm not the girl who misses much"
1986
Video (color, sound), 5'
Courtesy of the artist; Galerie Hauser & Wirth, Zürich; Gallery Luhring Augustine, New York
I'm not the girl who misses much est une vidéo réalisée par Pipilotti Rist en 1986. Celle-ci fut souvent interprétée comme étant une critique de MTV, mais selon Pipilotti Rist, elle traite d'une réflexion de la culture contemporaine de l'époque.
La vidéo commence par un générique sur fond rouge saturé, présentant le titre du film. Celui-ci annonce en quelque sorte l'ambiance colorée du film, très contrasté. Dans un plan sérré, apparaît alors une jeune femme brune sur un fond blanc. L'image est floue et ne laisse pas distinguer les traits de la protagoniste, qui se trouve être en réalité Pipilotti Rist en personne (cette dernière se met très souvent en scène elle-même dans ses vidéos). Il y a tout de suite un sentiment de trouble chez le spectateur qui ne peut voir le visage de la personne. L'ambiance est "froide", puisque l'anonymat génère une certaine distance entre le spectateur et Pipilotti. La froideur est également accentuée par les couleurs saturées et très contrastée : fond blanc, cheveux noirs, robe noire, bouche rouge.
La jeune femme chante "I'm not the girl who misses much", un refrain de la chanson de John LennonHapiness is a warm Gun" dont les paroles sont ici à peine modifiées. Sa bouche n'est alors qu'une tache rouge vif qui s'agite dans le flou de l'image. La voix est aigue de façon exagérée. Cet effet est donné par une accélération de la vidéo, et de la bande son. Pipilotti fixe la caméra et se met à danser tout en agitant ses bras comme un pantin. "Mi-poupée mi-femme, elle porte un grand décolleté qui nous laisse nous demander si elle n'est pas finalement seins nus. Elle bouge dans tous les sens, d'une façon hystérique. Ses mouvements sont également exagérés et les zooms de la caméra saccadés. La répétition de la phrase "I'm not the girl who misses much" redouble l'effet étourdissant de la vidéo. La silhouette trépigne et parfois les plans sont ralentis ce qui donne l'impression que Pipilotti flotte dans l'espace. Beaucoup d'humour se dégage de cette vidéo. Le spectateur est amené à rire de cette chanteuse de premier prix.
Cette vidéo ressemble de façon étrange à un clip de par sa courte durée. On y retrouve la plupart des ingrédients qui définira par la suite le travail de Pipilotti Rist. La musique pop est présente dans la plupart de ses travaux. Elle fait le bond de la musique populaire à l'art contemporain. Elle utilise des références universelles (une chanson de John Lennon) et une simplicité enfantine se dégage dans l'appropriation culturelle (comme ici, une interprétation et un humour burlesque, agité et répétitif). Elle met également en avant l'univers féminin visuel et nous séduit avec ses couleurs acidulées, ses jolies robes et son maquillage. L'humour et la séduction lui permettent de nous faire passer son message. Dans ce clip elle permet au spectateur d'avoir un oeil plus critique sur les images que lui propose la culture contemporaine, et ainsi d'adopter une attitude moins "alliénée".Le sujet est toujours d'actualité. On peut meme dire qu'il a été emplifié avec le temps, les influences médiatiques étant toujours de plus en plus présentes.
Marina
Pipilotti Rist
Biographie :
"Les messages
véhiculés sur le mode émotionnel et sensuel peuvent briser plus de
préjugés et d'habitudes que des dizaines de pamphlets et de traités
intellectuels."
Née en 1962 à Grabs (Suisse)
Pipilotti a suivi des études de graphisme et de photographie
à la Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne (Autriche) et à la Schule
für Gestaltung de Bâle (Suisse). Elle travaille comme artiste et
musicienne à Zurich, avec pour domaines de prédilection la vidéo et l'informatique.
Productrice, réalisatrice et souvent protagoniste de ses vidéos, Pipilotti accorde beaucoup d'importance à l'indépendance du processus de production artistique;
c'est la raison de son choix pour la vidéo et les techniques numériques
contre le film traditionnel. Ses bandes vidéo ont été présentées dans
de nombreux festivals et musées en Suisse et à l'étranger, et ont été
diffusées sur des chaînes de télévision. En 1992, la présentation de sa
vidéo Pickelporno aux Journées du film suisse de Soleure (Suisse) a été
le tournant de sa jeune carrière. Elle a depuis enchaîné les
expositions collectives et personnelles prestigieuses, avec entre
autres la Biennale de Sao Paulo (Brésil) en 1994, la Biennale de Lyon
en 1997, et celle de Venise en 1999, au cours de laquelle elle a reçu
lle "Premio 2000".
L'usage de la vidéo dans le sens d'une
critique des médias ou d'une réflexion phénoménologique n'est pas du
tout l'orientation de Pipilotti, qui s'intéresse à la télévision en tant que joyau de la culture pop.
Elle se situe radicalement après MacLuhan et Nam June Paik, en plein
dans le village global. Dans ses environnements monumentaux, elle tire
parti des potentiels graphiques et sonores de la télévision, les
considère comme parties d'un ensemble d'ambiance fait de design, de
mode, de sculptures et de projections, sans oublier l'omniprésence de
la musique, qui plongent le spectateur dans des environnements où il
perd ses repères.
Pipilotti Rist s'attache à des problématiques très contemporaines, notamment à la différence des sexes, à l'identité, à la féminité et à la culture du divertissement.Bien
qu'elle joue elle-même dans plusieurs de ses vidéos, elle ne
s'identifie pas à tous les coups avec ses artefacts, mais garde une distance ironique,
à la fois rebelle et coquette. L'identité de l'artiste en tant que
femme n'est pas jouée sur le mode tragique, mais est vue sous le mode
performatif, souvent traduite par l'utilisation de la voix et du chant, avec un mélange tout à fait spécifique de travestissement, de rapport ludique aux machines et de sens de la provocation humoristique.
Pipilotti
fonctionne en imbriquant toujours son propre personnage à ses oeuvres,
en mêlant création et discours promotionnel, en assumant pleinement son
statut de personnage public.
Elle compose elle-même ses musiques, souvent en réinterprétant des airs connus (de John Lennon à Chris Isaak); elle utilise une multiplicité d'objets quotidiens (vêtements, sacs à main, meubles), et conçoit ses oeuvres comme des clips,
colorés, vifs, souvent drôles, parfois aggressifs, bref avec autant
d'efficacité que le font les créateurs commerciaux.La différence, c'est
l'introduction systématique d'éléments de dérapage,
comme les rayures, les barres de balayage, les couleurs violentes et
baveuses, les flous et les tremblés dans l'image, la saturation et les
dissonances pour les bandes-son: ce décalage est, selon Pipilotti, "l'espace possible pour l'émergence du poétique".